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Portrait d’entreprise et d’entrepreneur·e·s en économie sociale

Nettoieprêt: rencontre avec Julian Quintero, Jaime Alejandro Vargas et Maricela Vargas

– Derrière chaque réussite entrepreneuriale se trouve de la créativité, des prises de décision, de l’audace. En économie sociale, il se trouve également un besoin d’agir collectivement. Par une série d’articles, le PôleCN vous présentera des histoires d’entreprises d’économie sociale (EÉS) en mettant en lumière les parcours des entrepreneur·e·s qui les nourrissent par leurs expériences et leur vision de l’idée d’entreprendre ensemble.

Ce premier article de la série présente la coopérative de travailleur·e·s Nettoieprêt, dont le bureau est situé dans le quartier Maizerets à Québec. Lorsqu’économie sociale rime avec intégration.

Sur la photo, de gauche à droite: Jaime Alejandro Vargas, Maricela Vargas et Julian Quintero, trois des cinq membres fondateurs de Nettoieprêt.

Entreprendre par nécessité

L’histoire de l’entreprise Nettoieprêt est étroitement liée au parcours d’immigration de ses 5 membres fondateurs. S’installant au Québec en 2010 à titre de travailleurs qualifiés, cinq colombiens vivent des difficultés à percer le marché du travail et se réunissent pour trouver une solution. Trois parmi eux se sont connus en Colombie durant les cours de français préparatoires à leur arrivée ici. Julian Quintero est ingénieur civil, Maricela Vargas est psychologue et Jaime Alejandro Vargas, son époux, est ingénieur informatique. Suite à leur processus de francisation, lors de leurs premières tentatives d’entrer dans le marché de l’emploi, on leur demande des expériences de travail au Québec, d’être membre dans leur ordre professionnel, ou même de reprendre les cours. Étudier et faire reconnaitre ses qualifications, travailler en même temps pour subvenir à ses besoins tout en s’intégrant à sa communauté d’accueil constitue tout un mandat.

Julian, Jaime Alejandro et Pedro Ramirez, un autre des membres fondateurs de la coopérative, se trouvent un emploi dans une entreprise d’entretien ménager. Apprenant les rudiments de ce métier, leur équipe acquiert une notoriété quant à la qualité de leur travail. Riches de cette expérience, les néo-Québécois en viennent à l’idée de créer leur propre entreprise d’entretien ménager.

Pendant un an, les 5 immigrant·e·s (les 4 précédemment nommés ainsi que Fabio Chito) se rencontrent pour rêver à leur projet d’entreprise. Un an sans rémunération, à se questionner et à créer ensemble. Parmi les questions qu’ils se posent, celle de connaitre ce qu’ils recherchent réellement dans la création de l’entreprise, soit les objectifs individuels poursuivis, fournit l’éclairage dont ils ont besoin pour déterminer la forme juridique qu’elle prendra. Des organismes les soutiennent dans leur projet, des formations en entrepreneuriat les outillent pour la suite : la coopérative de travailleurs en entretien ménager Nettoieprêt est créée en 2012.

Le choix de l’économie sociale

«L’idée de créer une coopérative n’est pas venue d’une seule personne, c’est une vision commune», affirme Julian. Aux dires des deux autres, c’est tout de même lui qui a convaincu le groupe d’aller vers cette formule d’entreprise. Maricela précise : « Julian avait vraiment l’idée de s’engager en économie sociale, parce qu’il voyait la place qu’avait le modèle au Québec, combien c’était très bien vu et à quel point c’était une façon de pouvoir intégrer d’autres personnes. Amener non seulement un travail, mais créer une équipe où chaque personne se sent propriétaire.»

Parce que oui, au-delà de fournir un travail bien rémunéré à ses membres, la coopérative Nettoieprêt leur donne un réseau, une voie d’intégration. Jaime Alejandro explique : ««On a créé une porte, une opportunité qu’on n’a pas trouvé de notre côté. C’est une des missions dès le départ : offrir aux gens qui arrivent à Québec et qui n’ont pas d’opportunité de travail d’en avoir un, légalement et bien payé, qu’ils se sentent en sécurité et qu’en plus, ils trouvent un réseau autour du travail pour les aider, que ce soit au niveau de la famille, de trouver des logements ou autres.»

Bien que l’entreprise soit ouverte à tous lorsqu’elle est en recherche de nouveaux employé·e·s, il va de soi qu’elle s’est construite une réputation d’accueil auprès des immigrant·e·s. Les conditions de travail (surtout à temps partiel, de soir et de fin de semaine) conviennent peut-être mieux aux immigrant·e·s en voie d’intégration avec des cours ou d’autres engagements de jour.

Entreprendre ensemble pour s’intégrer: le cas de trois des membres fondateurs

Julian

Julian provient d’une famille reconnue comme de grands entrepreneurs en Colombie : « Chez nous, l’entrepreneuriat est toujours la conversation à la table. On ne parle pas des nouvelles, des téléromans. Dès qu’on est petit, c’est normal chez moi d’avoir des projets à démarrer, autant en affaires que socialement.» S’installant au Québec, Julian savait qu’il allait entreprendre ici aussi, puisque c’est dans sa nature. Il y a par contre découvert l’économie sociale et fait le choix d’opter pour cette formule avec ses acolytes. «Dans l’économie sociale, si on a des défauts, les autres ont nos compléments. Le mélange de plusieurs fait la réussite.» Julian travaille aujourd’hui à temps plein chez Nettoieprêt comme directeur général et responsable des projets et ventes.

Maricela

Avec des parents qui ont gagné leur vie en tant que commerçants, l’entrepreneuriat a toujours fait partie des intérêts et des valeurs de Maricela. Au moment de faire ses études et de choisir sa carrière, elle s’est plutôt intéressée à la psychologie. Au Québec, la création de la coopérative a permis à Maricela d’avoir un travail durant son retour aux études et d’acquérir des compétences nécessaires à sa profession. «Lorsque j’ai commencé à la coop au niveau des ressources humaines et à être mise en contact avec d’autres entreprises, juste le fait de me présenter dans une salle avec plein de personnes m’a amené tout un défi. Juste de parler et de me sentir en confiance, ça m’a tellement aidé. Dans ma profession, la communication est très importante. J’avais peur de parler parce que j’avais l’impression que les gens ne me comprenaient pas. » Pratiquant de nouveau en psychologie depuis peu de temps, elle maintient son membership dans la coopérative, comblant ainsi son désir d’entreprendre. «Les gens me demandent quand est-ce que je fais tout ça? Je pourrais me dire que j’ai déjà fait ma part, mais pour moi, Nettoieprêt, c’est tellement important. On aime beaucoup la coop. On connaît les gens, on veut réussir ensemble.»

Jaime Alejandro

Jaime Alejandro, également fondateur de la coopérative, n’est plus membre, mais continue de s’y impliquer bénévolement à titre de conseiller. Une façon pour lui de poursuivre la mission de l’entreprise, celle qui lui a permis de faire son chemin professionnel individuel. « Au départ, en tant qu’immigrant, j’avais des connaissances que je ne pouvais pas montrer ici parce que ce n’était pas ma langue, parce que c’était pas mon pays et parce que je ne connaissais pas de ressources. Mais je pouvais tout donner à mon entreprise. Après ça, mon entreprise m’a donné de la force, la reconnaissance, une possibilité de percer dans le marché, d’avoir de l’expérience et de savoir comment ça fonctionne à Québec. »

L’entreprise d’économie sociale, une voie d’intégration

Pour ces nouveaux arrivants, l’entrepreneuriat a donc été la voie d’accès au marché du travail québécois. Qui plus est, l’économie sociale a facilité leur intégration à leur communauté d’accueil. Julian affirme : « Je trouve que c’est une excellente formule pour réussir un projet d’intégration. Pendant un projet d’immigration viennent des étapes où on est plus isolé dans son coin. Le fait d’avoir une coop te pousse à aller vers les gens. Nos membres peuvent appeler ici pour demander des conseils, chose qu’ils ne feraient pas dans une entreprise privée. » Jaime Alejandro renchérit : « Il faut voir le côté humain. Lorsqu’on arrive en tant qu’immigrant, on a des compétences, dans notre cas des études et des années d’expériences professionnelles. Mais lorsqu’on arrive, on se sent un peu démuni. Lorsqu’on parle d’économie sociale, de coopérative, on parle aussi de ressources. On parle des gens, d’un groupe de personnes. Lorsqu’on arrive dans un milieu en économie sociale, on va se retrouver en famille. »

Encore aujourd’hui, la mission de la coopérative de travail est vivement portée par ses membres qui se montrent solidaires entre eux et lors de l’intégration des nouveaux. Tel que l’affirme Julian : « On a plein d’idées et de projets dont on n’a pas encore eu le temps et le budget. C’est ça l’avenir, développer ces projets en cohérence avec la formule coopérative.»

Chapeau bien bas aux fondateurs et aux membres de Nettoieprêt!