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Ancrage Isle-aux-Coudres : rencontre avec Donate Dufour

– Par une série de portraits, le PôleCN présente des histoires d’entreprises d’économie sociale (EÉS) et met en lumière des parcours d’entrepreneur·e·s avec de riches expériences ainsi qu’une vision inspirante de l’idée d’entreprendre ensemble.

En 2019, Donate Dufour, directrice générale de l’Ancrage Isle-aux-Coudres, a trouvé sa relève, cette personne qui reprendra la barre de son grand bateau! Elle a ainsi pris sa retraite, tournant la page à un chapitre important de sa carrière, après avoir fondé et dirigé l’entreprise depuis 2002. Un an auparavant, le PôleCN a eu la chance de la rencontrer dans ses locaux, le temps d’une discussion sur l’économie sociale et sur les défis de la gestion. Cet article se veut un portrait, mais aussi un hommage à cette dirigeante de coeur et d’affaires!

L’Ancrage Isle-aux-Coudres est un OBNL fondé par des gens du milieu pour assurer la mise en place et le maintien de services communautaires sur l’Île selon 5 volets: la lutte à l’appauvrissement, la jeunesse, la famille, la prévention de la santé physique et psychologique ainsi que l’hébergement des aînés et de personnes ayant un handicap intellectuel. Ce dernier volet s’est ajouté aux autres en 2007, suite à l’obtention du mandat de gestion d’une résidence intermédiaire. Depuis, le projet de grande envergure est l’élément principal du financement de l’entreprise d’économie sociale.

Ceci dit, les sources de financement ont été et sont toujours variées pour l’Ancrage: friperie, maison des jeunes, popote roulante, service de répit et bien d’autres essais plus ou moins fructueux ont fait partie du lot! Qu’à cela ne tienne, selon les dires de Donate Dufour: « Il y a toujours un côté positif. Même si cela n’a pas fonctionné en termes de projet pour nous financer, on peut toujours apprendre au niveau de la gestion, du marketing, etc. » Une des leçons importantes que la gestionnaire a retirées de ces expériences est à quel point les services offerts doivent répondre aux besoins, non pas en créer d’autres.

L’audacieux projet

La gestion d’une résidence intermédiaire est d’ailleurs bien alignée avec cette idée. Lorsqu’en 2007, on ne trouve personne pour assurer la gestion du lieu d’hébergement, la communauté de l’Isle-aux-Coudres se mobilise pour ne pas le fermer. La résidence, permettant notamment de garder sur l’Isle les aînés qui y ont toujours vécu, serait une grande perte pour la population. Quand l’idée est lancée qu’une OBNL puisse gérer le centre, l’Ancrage n’avait pas encore 5 ans d’existence. Le conseil d’administration trouve le projet ambitieux, vertigineux. Malgré tout, les administrateurs-trices et Donate se lancent dans cette grande aventure, supportés par le Centre local de développement (CLD).

En l’espace de quelques mois, Donate a travaillé très fort pour tout mettre en place et passer son examen d’accréditation comme gestionnaire d’un tel établissement. Elle a aussi fait appel aux services d’un mentor, notamment pour se former davantage au niveau des ressources humaines.

Les deux premières années ont été dures, mais l’idée de garder les personnes âgées sur leur île et de créer un financement viable pour l’Ancrage ont été les moteurs du projet. « Nos deux motivations nous ont portés. On a travaillé fort. Je dis souvent aux entrepreneurs aujourd’hui: n’oubliez jamais que dans les premières années, il faut y mettre de l’énergie et s’attendre à mettre des heures de plus, donner du temps. Il faut mettre nos valeurs en avant. Si tu regardes un peu ce que ça te coûte en énergie, oublie le projet! En gardant nos valeurs en avant, je pense que c’est porteur. »

De fil en aiguille, la gestion de la résidence intermédiaire est bel et bien devenue la principale source de financement de l’Ancrage. Un pari audacieux qui en a valu la peine!

Le défi des ressources humaines

Avec la gestion de la résidence et des activités de l’Ancrage, Donate Dufour est devenue la gestionnaire d’une grande équipe avec des profils et des mandats des plus variés! La gestion des ressources humaines a été son plus gros défi. Si sa sensibilité a été mise à l’épreuve, c’est en gardant son humanité qu’elle est parvenue à encadrer avec flexibilité, sans restreindre ou bloquer.

À l’aube de sa retraite, le recrutement d’employés-es préoccupait beaucoup la gestionnaire, car malgré les mesures mises en place, la rétention demeure difficile. Le faible bassin de potentiels-les employés-es de l’isle et les conditions de travail font partie des défis à relever encore à ce jour. Donate Dufour a misé sur la valorisation de tous les aspects positifs des emplois, ces petits côtés qui font la différence lorsqu’on travaille dans une entreprise d’économie sociale. En bref, la qualité de vie, le sens au travail et l’humanité qu’on peut y retrouver.

Inversement, la gestion des ressources humaines a également été sa plus grande source de fierté: fournir des emplois de qualité aux femmes de l’isle pour qu’elles gagnent leur vie avec des bonnes conditions de travail. À ses yeux, le projet de l’Ancrage devient ainsi une réussite humaine: « pour moi, c’est ça l’économie sociale. Les premiers humains, c’est l’équipe. Puis on va vers l’humain, on rend service à la communauté. C’est peut-être pour ça que je suis aussi engagée. » Elle insiste d’ailleurs sur l’importance du savoir-être pour une direction générale en économie sociale, consciente que seule, ce grand bateau qu’est l’Ancrage n’aurait jamais levé l’ancre.

Trouver sa relève avant de tourner la page

Au moment de l’entrevue, Donate Dufour était en recherche active de la personne qui prendrait la relève de la direction générale de l’Ancrage. Pour elle, il était impensable de quitter avant: « je veux assurer ma relève, après je m’en vais. » Une réflexion sur son organisation et son poste en a résulté. Selon elle, la direction d’une entreprise d’économie sociale comme l’Ancrage doit être occupée par une personne qui « a les valeurs de l’organisation dans sa main. Elle ne vient pas occuper une job. Tout le coeur vient avant la structure. C’est ça le travail, mais en même temps, c’est valorisant. »

Par chance pour la future retraitée, mais aussi pour toute la communauté de l’Isle, sa relève a été trouvée. Monsieur Thibault Hire reprend le flambeau de Donate Dufour à titre de directeur général. Place à la relève et bon succès à l’Ancrage Isle-aux-Coudres!

Tirés du témoignage de Donate Dufour: que faut-il pour travailler en gestion en économie sociale?

Le sens de l’initiative

En direction, il n’y a personne en arrière de toi qui va te dire ce que tu dois faire aujourd’hui. Si tu n’as pas ce sens de l’initiative, ce ne sera pas possible. Il y a une poussée intérieure qui doit être là. Il n’y a pas de petites journées tranquilles.

Savoir s’entourer

Selon moi, c’est le gros morceau: il ne faut pas penser qu’on va y arriver seul. Parler au « on », ça fait du bien. Ainsi, je partage mes échecs, je partage mes succès aussi. (…) Je n’ai jamais été seule, je ne me suis jamais sentie seule. Les réussites ne m’appartiennent pas, elles relèvent de tout mon monde, car je n’ai jamais été seule là-dedans.

Être à l’écoute

Le danger d’une direction fermée est que tout lui saute au visage. Plus tu es transparent et à l’écoute, plus il est facile de mettre en place des choses et de défendre tes dossiers.

Connaître ses limites et déléguer

Déléguer selon soi-même. Ce principe m’a permis d’aller chercher des forces dans mon équipe.

Prendre du recul

Quand tu es là-dedans depuis tant d’années, tu ne penses pas à voir dans l’ensemble sans négliger des parties. Il faut être capable d’aller chercher de l’aide au besoin.

La passion

Je parle de quelque chose qui m’a allumé pendant plusieurs années et qui m’allume encore. C’est donnant-donnant. Ceci dit, il faut quand même chercher l’équilibre. (Donate le trouve auprès de sa famille, de ses petits-garçons!)

 

Donate Dufour ne sera jamais bien loin de l’Ancrage et des gens qui voudront contribuer au bien-être de la communauté de l’Isle-aux-Coudres. « C’est vrai que ça me passionne. Je ne quitterai pas sans avoir à faire plein de deuils. Faut que je me freine, mais j’ai tout le temps ça à coeur: créer quelque chose pour qu’on aille bien, communautairement parlant. Il faut qu’on aille bien. » 

Femme de coeur, insulaire de la tête aux pieds et gestionnaire de grande qualité: bonne et heureuse retraite Donate!