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MamboMambo : rencontre avec Alexis Gagné

– Derrière chaque réussite entrepreneuriale se trouve de la créativité, des prises de décision, de l’audace. En économie sociale, il se trouve également un besoin d’agir collectivement. Par une série de portraits, le PôleCN présente des histoires d’entreprises d’économie sociale (EÉS) pour mettre en lumière des parcours d’entrepreneur·e·s avec de riches expériences et une vision inspirante de l’idée d’entreprendre ensemble.

MamboMambo est une coopérative oeuvrant dans le domaine du design graphique et du développement Web. Si la coop a acquis une excellente réputation grâce à la qualité de ses services, son histoire est quant à elle peu connue. Et pourtant : le parcours entrepreneurial de ses cofondateurs créatifs et déterminés a de quoi inspirer de nombreux entrepreneurs-es ! Alexis Gagné est un des cinq membres fondateurs de l’entreprise et y occupe à ce jour les fonctions de directeur général. Malgré un horaire chargé, il transmet également sa passion pour son métier en enseignant le design graphique au niveau collégial. Portrait d’un créateur devenu gestionnaire / ou quand rêver d’un travail à son image devient réalité.

Des bancs d’école à l’idée d’entreprendre

MamboMambo a 5 ans, mais l’histoire de la coopérative a débuté sur les bancs du cégep et de l’université, alors que les futurs cofondateurs étaient collègues d’étude en design graphique. Réalisant souvent des travaux ensemble, ils avaient des forces complémentaires, tout en partageant la même vision : « On se rejoignait sur plusieurs points. On avait cette facilité-là, cette espèce de folie à travailler ensemble qu’on aimait vraiment », affirme Alexis.

Au terme de leurs études, les nouveaux diplômés ont débuté leur carrière comme travailleur autonome ou en agence. Environ un an après avoir entré sur le marché du travail, les graphistes échangeaient sur les aspects de leur travail qui les dérangeaient en étant convaincus qu’il y avait une façon de faire mieux : « On a été déçu du domaine. On était vraiment passionné, c’est un milieu où tu peux tellement t’éclater et avoir du plaisir. C’est ce qu’on nous disait à l’école, mais ce n’est pas ce qu’on vivait en agence. On avait l’impression que le client était souvent pénalisé, qu’il payait trop cher, qu’on ne livrait pas les projets à leur plein potentiel, et cela nous dérangeait vraiment. » En constatant qu’ils identifiaient les mêmes irritants, ils ont décidé de créer leur propre entreprise et de faire différemment, non seulement dans les services offerts, mais également dans la structure organisationnelle.

On n’est pas des gestionnaires à la base. On fait juste des choses qui selon nous font du sens ! On est content au bout de 5 ans de s’apercevoir que notre idée un peu folle n’était pas si folle que ça !

Incarner le modèle coop, sans le savoir

Au départ, l’entreprise MamboMambo a été enregistrée en nom collectif. Après 6 mois d’activité, les membres de l’entreprise ont débuté des recherches pour identifier une forme juridique plus adaptée. Si aucun des professionnels rencontrés ne leur a parlé d’économie sociale, on les a même découragés d’aller vers une entreprise partagée entre plusieurs propriétaires. Incrédules, les 5 entrepreneurs avaient un malaise avec les arguments avancés. Ils étaient convaincus que leur force résidait dans l’union de leurs intérêts et de leurs talents.

C’est Alexis qui a pensé à la formule coopérative en se souvenant que son père avait déjà travaillé dans une telle entreprise collective. Guidés vers leur CDR (coopérative de développement régional) pour en savoir plus sur cette forme entrepreneuriale, ils ont compris dès leur première rencontre que c’était la voie à emprunter pour MamboMambo. « C’était la première fois qu’on se sentait accompagné et écouté. On avait, oui, notre projet d’entreprise et nos idées, mais on avait des valeurs qui étaient super importantes et à la base de Mambo. C’était la première fois que quelqu’un prenait ces valeurs-là et qu’il comprenait que ça faisait partie de l’entreprise. » L’accompagnement proposé par la CDR a répondu à tous leurs questionnements: « Pour nous c’était clair, on faisait une coop. Entre la coop de travailleurs, de producteurs ou de solidarité, on voyait que le modèle était flexible. La coop, avec ses règlements en place, pouvait se transformer en même temps qu’elle allait grandir. Alors ça, on trouvait ça vraiment intéressant. »

Étonnant, mais vrai: sans la pensée d’Alexis concernant le travail de son père dans une coopérative, MamboMambo aurait peut-être pris une toute autre forme !

La différence Mambo

On veut être différent ; faut pas juste le dire, il faut l’appliquer. Le modèle coop nous apparaissait comme une façon de se différencier vraiment.

Le modèle coopératif distingue MamboMambo de ses concurrents. « C’est un peu comme la cerise sur le gâteau à la fin de notre pitch ! Les gens sont surpris, mais ce n’est pas une perception négative. On se dit créatif, mais il faut que ça s’applique partout. On leur dit que nous sommes une entreprise à plus petite échelle, qui est humaine. Les clients n’ont pas six niveaux à gravir avant de parler à quelqu’un dans l’entreprise. »

Cette différence est appréciée non seulement des clients, mais aussi des employés. « On travaille dans un secteur très compétitif. En même temps c’est tellement un travail créatif, tu ne peux pas être stressé dans ce domaine-là ! Je suis super fier qu’on parvienne à créer un environnement de travail où les gens sont heureux, à l’aise. Ce n’est pas juste du travail. Les membres de l’équipe se développent comme professionnels et comme personnes aussi. Je suis content qu’on arrive à offrir ça aux membres de la coop. »

Un voeu pour la suite

Sans artifice, Alexis souhaite que l’équipe actuelle de la coopérative reste pour longtemps et que l’entreprise se transforme au rythme de ses membres. « On a trouvé une coop similaire à la nôtre, je crois au Royaume-Uni. Ça faisait 30 ans que ça existait et il n’y avait jamais eu un employé qui avait quitté, sauf pour prendre sa retraite. Je trouve que c’est vraiment un beau défi de créer une entreprise où les gens sont vraiment attachés. Je sens qu’on est stable, qu’on a une base solide et qu’on peut avancer. Ça a pris du temps avant d’arriver à ça. J’aimerais qu’on puisse garder ce noyau-là et trouver les bons membres pour que l’équipe ne grandisse pas juste en nombre, mais en connaissance et en talent. »

La volonté de transmettre

Pour Alexis, l’enseignement du design graphique au collégial est une façon de transmettre sa passion pour son domaine et de montrer qu’il y a d’autres possibilités. Il est convaincu qu’il y a de la place pour l’économie sociale dans le domaine du design graphique, que ce serait une façon de le mettre au défi et de l’améliorer. Au-delà de son secteur d’activité, il affirme que les nouveaux entrepreneurs-es auraient beaucoup à gagner à connaître le modèle coopératif ou associatif. « N’importe qui ayant un projet d’entreprise devrait prendre un petit 5 minutes pour appeler sa CDR ou un autre organisme pour leur en parler et se faire aider. Nous, on a cherché énormément, ça a pris du temps, mais on est super contents d’avoir trouvé le modèle coop. […] Je connais des entreprises qui, par leurs valeurs, pourraient ou devraient être une coop. C’est peut-être juste qu’ils n’ont jamais entendu parler de ce modèle-là, malheureusement. »

Avec des entreprises inspirantes et créatives (dans la forme et le contenu!) comme MamboMambo et des ambassadeurs aussi convaincants que peut l’être Alexis Gagné, les espoirs sont permis de croire que l’économie sociale sera mieux connue et adoptée par de nouvelles générations d’entrepreneurs-es.

Tirés du témoignage d’Alexis Gagné: que faut-il pour entreprendre en économie sociale?

Une idée et de la conviction

Ça prend une idée claire et il faut croire à son projet, sinon il ne sera pas possible de le vendre. Nous étions tellement convaincus que nous nous disions que ça ne se pouvait pas que ça ne fonctionne pas ! Alors on continuait et on travaillait fort.

Humilité et partage

Chez MamboMambo, on ne prend rien de façon personnelle. En fait, oui d’une certaine façon, parce que c’est un peu comme notre bébé ! On est comme une grande famille qui travaille ensemble à faire avancer le projet. On se fait challenger par les membres de la coop, mais c’est toujours dans le but d’amener l’entreprise plus loin pour qu’elle atteigne ses objectifs. C’est super le fun de savoir qu’on peut compter sur l’ensemble de l’équipe.

Écouter, une perte de temps?

La coop, ça force la communication dans l’équipe. […] Au final, prendre le temps d’écouter…c’est normal ! Il faut que l’équipe se parle pour garder l’entreprise dans la bonne direction. On fait l’exercice quand on est débordé. On s’arrête et on pense à ce qu’on pourrait améliorer. Je pense qu’il y a souvent des conflits qui explosent parce qu’il y a eu un manque de communication avant. C’est bête. Prendre une heure pour écouter l’équipe peut éviter bien des heures perdues !

Miser sur l’accompagnement dès les premières étapes

Il faut prendre le temps d’écouter ceux qui sont passés par les mêmes étapes. Il ne faut pas non plus sous-estimer tout ce qui est gestion et comptabilité. Dès le départ, il faut partir sur des bases solides. Il ne faut pas que tu penses que tu peux faire tout toi-même en fait. Pendant longtemps, chez Mambo, on a traîné ça. […] Aux premières étapes de croissance, on voyait l’entreprise grandir, mais on ne suivait plus nos objectifs ou notre mission réellement. Ainsi, aller chercher de l’accompagnement, par un mentor ou quelqu’un qui a de l’expérience dans le domaine, peut  être d’une grande aide pour garder le cap.

Patience et confiance

Si le recrutement est un bon défi pour toutes les entreprises, il l’est d’autant plus lorsqu’on accorde une aussi grande place aux valeurs incarnées par l’organisation. Après les cinq ans d’existence de MamboMambo, Alexis a la conviction que la coopérative peut le relever : je sais qu’on peut trouver les bonnes personnes qui ont la même vision que nous, mais d’un autre côté je sais que ce sera un peu plus difficile aussi. Quand tu trouves les bonnes personnes par contre, c’est vraiment gagnant !