Au sein des entreprises d’économie sociale, la pertinence des pratiques de développement durable (DD), et la responsabilité sociale des entreprises (RSE) qui les motivent, est un fait quasi évident. On n’y revient plus, point à la ligne. On conviendra tout de même qu’il est à la fois simple et compliqué d’introduire de telles pratiques en entreprises collectives. Est-ce dû à une mauvaise compréhension du concept, trop souvent limité à l’aspect environnemental ? Aux moyens limités des plus petites entreprises ? Cela semble importer moins que la décision ferme qui sera prise par les dirigeants et dirigeantes et à laquelle adhèreront l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise.
On sait bien que la RSE incluant, on le comprendra, le développement durable, n’appartient pas à l’économie sociale; tant mieux si les entreprises privées s’en inspirent et si le secteur public y adhère notamment par des politiques d’achat responsable. Alors on peut se demander comment, de nos jours où les entreprises privées développent ce même discours ou un discours très similaire, les bonnes pratiques en DD peuvent-elles constituer un avantage concurrentiel pour l’entreprise collective ? La notion de « durée » peut sans doute intervenir favorablement, une perspective que les entreprises d’économie sociale peuvent offrir assurément.
De plus en plus, la compétition entre les entreprises se joue sur le plan des valeurs, et non plus uniquement dans le rapport qualité/prix. Les consommateurs, individus et corporations, ont des exigences éthiques et font leur choix de consommation en conséquence ; les acheteurs institutionnels se préoccupent de plus en plus de politiques d’achat qui prennent en compte des critères liés au DD. L’économie sociale a une plus value à mettre en marché : la responsabilité sociale et les valeurs du DD sont le fait d’une volonté collective traduite en décision collective, ce qui contribue fortement à la crédibilité et à la pérennité de ses bonnes pratiques.
Bien sûr, on se saurait parler de « garantie », l’entreprise d’économie sociale n’est pas sans tiraillements et peut bien défaillir par moment. Les quelques contradictions de l’économie sociale ne devraient certes pas nous faire rougir… On constate aisément que la grande entreprise privée et ses actionnaires ne sont vraiment pas à l’abri de dérives impactant très négativement son environnement au sens large du terme. Pour un exemple parmi d’autres, voir le documentaire Or sale, enquête sur un scandale mondial.
Se comparer, c’est se consoler dit-on…
Le développement durable dépasse quand même largement l’aspect environnemental, en ce qu’il constitue la jonction de l’économique, du social et de l’environnemental. Une manière intégrée de voir le monde, la cohérence entre mission, vision, opérations.
On aura compris du panel organisé par le Pôle le 8 juin dernier que se tourner vers le développement durable est une question de volonté plutôt que de capacités : on adapte les moyens aux capacités organisationnelles. Vrai. Chaque pas sur la voie du développement durable est un pas important, si petit soit-il. Le choix organisationnel et collectif du développement durable impose un virage qui aura un impact sur l’ensemble des fonctions de l’entreprise : de la gestion des ressources humaines et des conditions de travail à la gestion financière, de la gouvernance à l’empreinte environnementale de nos activités, des communications avec la clientèle aux relations avec nos fournisseurs et avec nos membres, etc.
Bref, par un effort d’enracinement de la volonté collective, on introduit ces pratiques dans un cadre formel, qui nomme la vision et définit les objectifs à la mesure de l’organisation et dans la fenêtre du temps.
Pour les entreprises d’économie sociale, c’est décider collectivement et adopter une vision, pour ensuite intégrer et faire durer. Par-delà les mots, des gestes seront posés sur l’ensemble des opérations de l’entreprise.
Peut-on penser que l’un des enjeux de l’exercice de la responsabilité sociale et du développement durable en économie sociale, c’est de trouver les moyens qui feront que les processus mis en place auront un réel impact dans toutes les fonctions de l’entreprise ? Que ces processus puissent durer dans le temps en demeurant assez souples pour s’adapter à l’évolution de l’entreprise et aux réalités changeantes ? Y arriver, ce sera se distinguer. C’est une affaire d’organisation plus que de personnes : quitter le « je » et mettre de l’avant le « nous ».
Enfin, pour s’aider dans cette réflexion plus que stratégique, le Pôle des entreprises d’économie sociale a eu la bonne idée de créer la Table de développement durable, ouverte à ses membres. Quoi de mieux pour partager nos préoccupations et nos idées!