Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

Blogue

Dualité et réciprocité de l’économie et du social 

241880_122439634563622_1713977692_o
Linda Maziade, blogueuse

Bien agréable et bien pertinente activité que celle organisée par le Pôle des entreprises d’économie sociale de la région de la Capitale-Nationale, le 6 mai, à Saint-Casimir. Petit bonheur que de se retrouver par un matin ensoleillé à la microbrasserie Les Grands Bois qui accueillait près de 20 entreprises d’économie sociale de la région.

Sébastien Perrault, DG du Parc naturel régional de Portneuf (une entreprise associative), et Catherine Benoît, DG de Spira (une coopérative), ont lancé la discussion sur le défi que représente l’équilibre entre les dimensions économique et social pour les gestionnaires d’entreprises collectives.

Voilà qui est un défi, bien certainement. Cependant n’est-ce pas justement par cette dualité économie et social que les entreprises se démarquent ? Cela devient même un avantage dont elles peuvent profiter, qui les renforcit et les distingue de manière très positive, surtout en cette ère de « l’entrepreneuriat responsable ». La dualité ou la mixité de l’économie et du social en fait des entreprises génétiquement créatrices de sens et de valeurs.

Par essence, la quête de cet équilibre s’impose en entrepreneuriat collectif, peu importe le secteur d’activité et le statut juridique, comme en témoignaient les gestionnaires d’entreprises qui assistaient à ce déjeuner d’affaires. Il me semble que la manière de la prendre en compte a beaucoup évolué dans la dernière décennie. La pensée des entrepreneurs collectifs, des gestionnaires et des conseils d’administration s’est précisée. Il n’y a plus, ou enfin beaucoup moins, de tiraillement entre économie et social. Moins de confrontation, plus de cohésion.

La dualité ou la mixité de l’économie et du social en fait des entreprises génétiquement créatrices de sens et de valeurs.

Le mouvement de l’économie sociale et les entreprises collectives qui le construisent ont atteint une certaine maturité. Plutôt qu’opposer l’économie et le social, on assiste de plus en plus à un arrimage en reconnaissant la nécessité des deux, en constatant que l’un appuie l’autre dans une dynamique de réciprocité. L’économie, par sa dimension entrepreneuriale, ne s’excuse plus d’exister, elle affirme sa réalité et ses impératifs aux côtés du « social », qui constitue l’ancrage, la raison d’être. L’une et l’autre se nourrissent mutuellement, cohabitent et, ensemble, assurent le développement et le futur de l’entreprise collective qui répond à des besoins, qui évoluent eux aussi, dans une communauté.

Parce que les mots sont l’un des meilleurs indicateurs de l’évolution de notre pensée, on peut croire qu’un changement significatif s’est produit dans les dernières années : le vocabulaire de l’économie sociale s’est élargi pour inclure les mots profit, rentabilité, vente, lucratif, produits, services, opportunités d’affaires, modèles d’affaires, etc., des mots qui sont maintenant utilisés sans offense à la mission sociale. Encore plus, j’entends des gens dire que c’est par la mission sociale que s’est bâtie la mission économique de l’entreprise. Dans d’autres cas, ce fut l’inverse. Mais le résultat, comme la finalité, reste le même : l’économie sert le social.

En conséquence, on a compris au fil des années que pour appuyer et pérenniser la mission sociale des entreprises d’économie sociale, pas le choix de développer « l’entreprise » et les revenus autonomes, pas le choix de fixer le juste prix aux produits et services rendus et vendus, pas le choix d’innover, pas de place pour la gêne, pas de place pour les complexes et le manque de confiance en soi et en son produit ou service. Bref, on se reconnaît comme des entrepreneurs collectifs, porteurs des intérêts d’une collectivité, du bien commun.

On conviendra que l’économie sociale a fait du chemin.

Bien sûr il y a le risque de dérive. Dérive de mission. Dérive des valeurs.

C’est là que la saine gouvernance et les bonnes pratiques entrent en jeu pour devenir en quelque sorte des pare-feu visant à contrer les détournements de sens et de pratiques. Pas simple la gouvernance, il faut s’en occuper, la nourrir sans cesse, la renouveler, la surveiller; mais combien utile et nécessaire pour sauvegarder le sens et la pertinence des entreprises collectives.

La mise en réseau, la formation, le mentorat sont parmi les facteurs d’atténuation des risques, comme la communication à l’interne et à l’externe. C’est maintenant un devoir que d’apprendre à communiquer pour mobiliser, rassembler et recruter les instances, les membres, les équipes de travail, les fournisseurs, les clients, les partenaires et j’en passe ! pour expliquer, consulter et positionner l’entreprise dans son environnement.

Pas simple la gouvernance, il faut s’en occuper, la nourrir sans cesse, la renouveler, la surveiller; mais combien utile et nécessaire pour sauvegarder le sens et la pertinence des entreprises collectives.

Équilibrer l’économie et le social, ça implique la capacité de créer le levier financier, de créer la richesse qui agira comme assurance de la mission sociale. Se donner les moyens d’assurer la pérennité. La pensée entrepreneuriale partagée, qui se déploie dans l’activité entrepreneuriale collective, s’avère là très utile.

Ceci dit, j’avoue être parfois étonnée par certaines contradictions de notre discours en affirmant par exemple que « l’on recherche des gens d’affaires pour siéger à nos conseils d’administration », comme si l’entreprise d’économie sociale n’était pas déjà en affaires… ou encore que « les efforts doivent être mis pour mesurer l’impact social des entreprises » alors que l’impact économique est tout autant important, particulièrement au regard de ceux qui nous gouvernent présentement au Québec. Nos mots révèlent toujours notre perspective des choses. Mais pas grave, on avance en économie sociale et c’est bien ce qui compte.